Galaxy-BioProd : L’intelligence artificielle investit le domaine de la rétro-biosynthèse. État des lieux.

L’équipe du projet Galaxy-BioProd, dirigé par Jean-Loup Faulon (INRAE), a mené un travail d’analyse de la littérature scientifique, permettant d’éclairer les avancées les plus récentes dans l’utilisation de l’intelligence artificielle pour la conception de méthodes rétro-biosynthétiques. Cet état des lieux, publié dans ACS Synthetic Biology, permet d’entrevoir une source importante d’opportunités de développement de solutions innovantes et durables.

La rétrosynthèse est une méthode qui consiste à décomposer une molécule en ses composants de base pour la synthétiser. Cette approche a une longue histoire en chimie, et la rétro-biosynthèse, qui est une variante, est aussi utilisée dans des domaines comme la biocatalyse et la biologie de synthèse. L’intelligence artificielle (IA) ouvre aujourd’hui de nouvelle perspective dans ce domaine. Cependant, cette approche est complexe à mettre en œuvre, car elle demande d’identifier précisément les réactions biologiques et chimiques possibles, ainsi que les enzymes qui peuvent les catalyser.

Rétro-biosynthèse ?

La rétro-biosynthèse, une variante de la rétrosynthèse classique, repose sur des réactions catalysées par des enzymes, souvent issues de systèmes biologiques comme les bactéries. Contrairement à la synthèse chimique classique, ces procédés sont très précis, consomment moins d’énergie et génèrent peu de déchets.

Un exemple concret est la fabrication de précurseurs pour des antibiotiques ou des matériaux recyclables. Ces approches réduisent la dépendance aux procédés chimiques classiques, souvent gourmands en énergie et polluants. Cependant, les limites technologiques actuelles rendent la planification de ces voies biologiques très complexe. L’objectif est de partir d’une molécule cible, par exemple un médicament, pour trouver une série de réactions enzymatiques menant à sa production. Les outils d’IA apportent ici une aide précieuse en explorant rapidement un grand nombre de scénarios chimiques et biologiques possibles.

L’IA en rétro-biosynthèse

L’identification des briques moléculaires est essentielle pour synthétiser des molécules. C’est ici que l’intelligence artificielle intervient comme un outil puissant. Grâce à sa capacité à analyser de vastes bases de données et à prédire des schémas complexes, l’IA accélère la découverte de voies de synthèse innovantes.

Prenons l’exemple de la décomposition d’une molécule complexe, telle qu’un antibiotique. L’IA est capable d’identifier des blocs de construction biologiquement disponibles, comme le glucose ou les acides aminés, en s’appuyant sur deux approches. La première consiste à utiliser des bases de données existantes pour repérer des mécanismes réactionnels déjà connus. La seconde repose sur des algorithmes basés sur des modèles dits génératifs, capables de prédire directement les composés nécessaires. Ces approches réduisent significativement le temps et les coûts associés à la recherche de nouvelles stratégies de synthèse.

Quant à la synthèse de molécules complexes, elle implique souvent plusieurs étapes. Dans ce contexte, l’IA agit comme un GPS chimique, naviguant dans un vaste réseau de possibilités pour choisir le chemin optimal. Des algorithmes sophistiqués, comme l’apprentissage par renforcement, évaluent des milliers de combinaisons potentielles en tenant compte de critères tels que la disponibilité des enzymes et le coût des réactifs. Cette approche rationalisée optimise le processus de synthèse.

Qu’en dit la recherche ?

Dans leur travail, les auteurs ont adopté une approche systématique pour compiler les connaissances actuelles sur la rétro-biosynthèse. Ils se sont inspirés de méthodologies établies pour sélectionner les publications scientifiques. Cela a impliqué une recherche exhaustive couvrant de nombreuses disciplines scientifiques (biologie, chimie, informatique) et intégrant des informations provenant de sources plus larges que des articles scientifiques, en ajoutant des actes de conférences. L’objectif : offrir une vue globale, claire et la plus complète possible de l’état actuel des connaissances.

Bien que prometteuse, il apparaît que l’IA en rétro-biosynthèse rencontre encore des défis importants. Les données disponibles sont parfois incomplètes, et l’IA ne peut pas encore prévoir avec précision toutes les variables biologiques, comme la stabilité enzymatique dans des conditions industrielles. Cependant, l’intégration de nouvelles données et le développement d’algorithmes plus puissants semble être une évolution prometteuse pour rendre ces outils incontournables dans un futur proche, pour la recherche comme pour l’industrie.

Que peut-on en conclure ?

La rétro-biosynthèse, soutenue par l’IA, offre un futur prometteur pour créer des solutions plus durables et innovantes. Que ce soit dans la production de médicaments, la chimie verte ou le développement de nouveaux matériaux, elle représente un pont entre innovation technologique et impact humain positif. Le chemin est encore complexe, mais avec une approche collaborative, les défis actuels peuvent se transformer en opportunités pour les scientifiques et les industriels.

 

Pour aller plus loin :

Référence de la publication : Guillaume Gricourt, Philippe Meyer, Thomas Duigou, Jean-Loup Faulon. Artificial Intelligence Methods and Models for Retro-Biosynthesis: A Scoping Review. ACS Synthetic Biology, 2024, 13 (8), pp.2276-2294. ⟨10.1021/acssynbio.4c00091⟩⟨hal-04673511⟩

Le projet Galaxy-BioProd