Déconstruction enzymatique du bois : une approche quantitative à l’échelle cellulaire

L’équipe de recherche du projet FillingGaps, dirigé par Gabriel Paës (INRAE), a récemment publié les résultats d’une étude visant à observer du bois en déconstruction contrôlée à l’échelle cellulaire, dans la revue New Biotechnology (https://doi.org/10.1016/j.nbt.2025.04.001).

Les points clés :

  • Une nouvelle méthode a été développée pour suivre la déconstruction enzymatique des parois cellulaires végétales à l’échelle microscopique, dans des conditions de déconstruction avancée.
  • Des marqueurs ont été identifiés pour suivre l’hydrolyse (la dégradation) de la paroi cellulaire : l’autofluorescence naturelle de la paroi végétale et la morphologie cellulaire.
  • Cette étude ouvre la voie à l’évaluation fine de l’efficacité des enzymes et des prétraitements, contribuant ainsi à optimiser la conversion des biomasses végétales en bioproduits.

De la plante aux bioproduits

Les plantes représentent une source majeure pour la production de produits d’origine renouvelable, alternative aux produits d’origine fossile. Plus précisément, les cellules des plantes sont constituées d’une paroi composée de lignocellulose, un réseau de molécules telles que la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. Cette lignocellulose attire toute l’attention car la cellulose qui la compose renferme des molécules de glucose. C’est ce glucose qui est ensuite utilisé comme matière première pour produire des biomatériaux ou du biocarburant. Cependant, pour rendre la cellulose (et donc le glucose) accessible, il faut au préalable séparer les constituants de la lignocellulose, or ce procédé est encore complexe et coûteux.

Le processus de dégradation des parois végétales

Pour « casser » la lignocellulose de la paroi cellulaire, on utilise des . Ce processus de déconstruction de la paroi cellulaire est appelé hydrolyse enzymatique ou saccharification. C’est un processus complexe et encore mal compris à l’échelle cellulaire. Pour optimiser les processus de transformation de végétaux en bioproduits, il est donc essentiel de mieux comprendre comment les enzymes décomposent les parois des cellules végétales à l’échelle microscopique.

Une nouvelle technique pour suivre la décomposition végétale au niveau cellulaire

Bien que de nombreuses techniques d'imagerie existent, le suivi précis de la déconstruction enzymatique des parois végétales reste particulièrement difficile, notamment lorsque la dégradation est très avancée. Les méthodes actuelles reposent sur des données présentant des propriétés favorables : acquisition sur des échantillons plats, faiblement dégradés, et dont la position demeure stable au cours du temps. Or, ces exigences ne sont généralement pas remplies lorsque la déconstruction enzymatique des parois est importante, ce qui limite, voire empêche, l’analyse quantitative à des stades avancés de dégradation.

C’était là tout l’objet de l’étude menée dans le projet FillingGaps. Les chercheurs ont développé HydroTrack, une méthode qui permet d’étudier la dégradation des parois des cellules végétales en trois dimensions au cours du temps, même avec des échantillons qui se déforment, se déconstruisent et bougent, ce qui bloquait les techniques existantes. Ils ont testé cette méthode sur du bois d’épicéa, une espèce particulièrement touchée par le changement climatique en Europe, et ont observé sa dégradation.

La première étape consiste à acquérir des images 3D des échantillons de bois toutes les heures, pendant 24h, à l’aide d’un microscope confocal de fluorescence. Ces images montrent l’évolution des parois cellulaires, qui émettent un signal naturellement grâce à leur autofluorescence. Les images sont ensuite exploitées grâce à un logiciel appelé HydroTrack qui permet de :

  • Aligner précisément les images dans le temps, même si l’échantillon se déforme et bouge considérablement ;
  • Suivre les mêmes cellules pendant toute la durée de l’expérience ;
  • Mesurer le volume et la surface des parois cellulaires, ce qui donne une idée de la vitesse de dégradation par les enzymes.

L’identification de marqueurs clés pour suivre le processus de dégradation

Grâce à cette méthode, les chercheurs ont pu identifier des marqueurs critiques pour suivre le processus de dégradation de la paroi des plantes :

  • L’autofluorescence des parois cellulaires est un marqueur clé pour suivre l’évolution de l’hydrolyse enzymatique.
  • Les paramètres morphologiques de la paroi cellulaire sont des indicateurs de l’efficacité de la conversion de la cellulose.

En effet, la distribution d’autofluorescence naturelle des parois change de façon caractéristique sous l’action enzymatique. Parallèlement, il est possible de quantifier les propriétés géométriques des cellules (volume et surface accessible des parois) au cours de l’hydrolyse. Ce suivi révèle une diminution du volume des cellules qui précède celle de leur surface, ce qui montre que l’accessibilité aux enzymes varie au cours du temps.

Quelles applications industrielles dans le futur ?

En offrant une évaluation fine de l’efficacité des enzymes et des prétraitements, cette approche permettrait donc d’analyser précisément l’efficacité des enzymes lors des traitements de la biomasse et d’améliorer les procédés de conversion de la cellulose, afin de soutenir le développement de solutions plus durables pour la fabrication de produits biosourcés.

Remerciements à Yassin REFAHI, PhD – Chargé de recherche, UMR FARE INRAE et Gabriel Paës, PhD – Directeur de recherche, UMR FARE INRAE, pour la relecture de cet article.

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